Humo del Mar

À propos

Le nom Humo del Mar provient d’un phénomène physique qui me fascine : lorsque la température extérieure est très froide, la mer, dont l’eau est plus tiède, peut dégager une brume sous l’effet du choc thermique. C’est un phénomène très simple, mais qui m’a interpellé par la vision poétique qu’il éveille en moi. Des sons éthérés, des temporalités étirées, des souffles instrumentaux résonnant à travers les notes, des accords circulant d’un registre à l’autre… voici quelques-unes des idées musicales qui m’ont inspiré avant de me lancer dans la conception de cette pièce.

Humo del Mar est constitué de cinq sections et propose un voyage entre eaux, brumes et ciels. L’œuvre explore toute la palette des couleurs timbriques qu’offre le quintette à vent et développe les sonorités propres à chaque instrument. Divers effets, tels que les souffles sonores, permettent de créer des liens entre des instruments aux qualités timbriques très différentes.

Sur le plan harmonique, j’ai élaboré un système combinant des notes polaires (deux à cinq par section), des accords changeants et évolutifs, ainsi que des notes libres. Les notes polaires forment la structure de chaque section, définissant les notes extrêmes et les plus perceptibles. Les accords changeants sont des combinaisons d’intervalles choisies en fonction de la tension souhaitée dans chaque sous-section : certains accords sont plus consonants, d’autres plus dispersés, certains couvrent l’ensemble du spectre des registres, tandis que d’autres se concentrent dans un registre précis. Les multiphoniques et les sons harmoniques jouent un rôle clé dans cette œuvre : ils me permettent de travailler des combinaisons de notes complexes et de modifier le timbre des accords selon le caractère recherché. Enfin, les notes libres réagissent aux accords et exploitent principalement la microtonalité pour les altérer ; par exemple, dans cette pièce, j’envisage les glissandi comme des notes libres.

Concernant le rythme, j’ai adopté une approche similaire à mon système harmonique. Tout d’abord, j’ai conçu la structure globale de manière intuitive, en prenant en compte des éléments tels que les points de tension, les moments de relâchement, les « temps morts » où la musique se suspend dans une contemplation, et les flux d’énergie. Ensuite, j’ai calculé les proportions de ces éléments structurels afin de générer une série de rythmes aux proportions similaires, mais transposées à une échelle temporelle beaucoup plus réduite (par exemple, dans la première minute, on peut entendre une série d’interventions musicales d’une durée totale de cinq secondes, qui reproduisent de manière accélérée les proportions des dix premières minutes de l’œuvre).

Le deuxième niveau d’organisation rythmique repose sur les notes répétées, qui sont perçues de manière très claire dans certaines interventions rapides, mais qui existent aussi sous une forme plus sous-jacente (par exemple, le rythme du basson est parfois régulier et lent dans certaines sections). Enfin, le troisième niveau est constitué des rythmes libres, qui réagissent aux motifs rythmiques principaux et aux notes répétées, et qui participent à la construction ou à la dissolution de la densité rythmique par l’ajout d’appogiatures, de notes brèves, etc.



Clara Olivares, mars 2020